RSE : Démarche obligatoire ou volontaire dans les entreprises françaises ?

La RSE est «l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques par les entreprises, à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes » (OCDE, Communication de la Commission du 22 mars 2006).

Cette définition souligne d’une part que la démarche RSE n’intègre pas uniquement l’angle environnemental.  Mais aussi, l’angle social car les salariés sont concernés en premier par les politiques RSE qui sont axées sur les conditions de travail, le bien-être au travail, la lutte contre la discrimination, l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, la promotion de la santé, la diversité et la mixité des équipes. Aussi, la notion RSE concerne toutes les parties prenantes de l’entreprise qui sont souvent composées par : les salariés, les clients, les ONG et associations, les actionnaires, les médias et les concurrents.

D’autre part, cette définition met l’accent sur  le caractère volontaire de la RSE. Cela  signifie que « les entreprises prennent libre­ment des engagements afin d’améliorer leurs performances sociales et environnementales au-delà des obligations légales » (Stokkink D., 2010, p.45).

La RSE est avant tout une démarche volontaire des entreprises qui ne peut à priori engager directement les responsabilités des employeurs. Toutefois, « la réalité juridique et judiciaire est complexe » (Daoud E., Ferrari J., 2012, p.13).

 Nous avons identifié des obligations juridiques qui résultent des textes nationaux et internationaux renvoyant à des principes préalablement intégrés au droit positif.  Certaines  démarches volontaires par les entreprises françaises ont fait l’objet d’une consécration législative. D’autres engagements volontaires dissimulent en réalité certaines obligations juridiques.

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1- les textes nationaux et internationaux incontournables de la RSE

Une entreprise qui adopte une démarche RSE doit à minima se conformer aux textes nationaux et internationaux suivants :

  • La charte des droits de l’homme des nations unies[1] ;
  • La déclaration de l’OIT (Organisation Internationale de Travail)de 1988 qui concerne les principes et droits fondamentaux de l’homme (Liberté syndicale, non-discrimination, interdiction du travail forcé et des enfants) ;
  • Les conventions des nations unies sur  la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ;
  • Le pacte mondial des nations unies auquel ont adhéré des milliers d’entreprises qui s’engagent à respecter des principes relatifs aux droits de l’homme, droit du travail, la protection de l’environnement et la gouvernance. Les entreprises adhérentes doivent communiquer annuellement un rapport sur leurs progrès accomplis.
  • L’organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a défini des principes directeurs pour les entreprises multinationales. « Ces principes énoncent un ensemble de règles et de bonnes pratiques en matière d’environnement, de protection des droits de l’homme, de lutte contre la corruption, de protection des consommateurs, etc. » (Doucin M. , LeMestre C., 2009, p.10).

Le code du travail français a prévu aussi« des dispositions relatives aux droits et libertés dans les entreprises, discrimination ou à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il règlemente en outre les relations collectives de travail, l’organisation du travail (Temps de travail, salaire, la santé et la sécurité au travail, l’emploi (en ce compris les travailleurs handicapés), la formation professionnelle ou la lutte contre le travail illégal. Le code pénal vient quant à lui sanctionner le non-respect de certains de ces principes ». (Daoud E. Ferrari J., 2012, p.14)

  • La loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) (promulguée en 2001) instaurant l’obligation aux entreprises françaises cotées de publier leurs rapports extra-financiers (des données relatives aux conséquences environnementales et sociales de leurs activités).
  • La loi Grenelle 2 (promulguée en 2010) instaure l’obligation à certaines entreprises d’établir un bilan carbone (ou bilan GES) et de publier des informations de RSE dans leurs rapports de gestion.
  • La loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (promulguée en 2017). Cette loi prévoit l’engagement de la responsabilité des grandes sociétés pour prévenir leurs filiales (en France ou dans le reste du monde) des risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement.
  • La Loi relative à la croissance et la transformation  des entreprises (promulguée en 2019) pose un nouveau cadre juridique pour l’entreprise française en introduisant la notion de « Société à mission ». C’est un modèle d’entreprise qui a pour objectif d’orienter le pouvoir de transformation des entreprises pour résoudre les enjeux sociotaux et environnementaux grâce à l’innovation et l’écoute active envers les parties prenantes.
  • La Loi anti-gaspillage  pour une économie circulaire (promulguée en 2020) instaure des dispositions visant à réduire le gaspillage et à promouvoir une économie circulaire.
  • La loi climat et Résilience (promulguée en 2021) met en place des obligations visant à lutter contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses efforts tes que : l’interdiction du Greenwashing et des emballages en polystyrène. Elle soutient aussi les énergies renouvelables et renforce la protection judiciaire de l’entreprise en mettant en place de critères environnementaux.
  • La loi industrie verte (promulguée en 2023) intègre de nouvelles obligations visant à rendre l’industrie plus vertueuse.

Malgré l’absence de sanctions explicites en cas du non-respect de ces textes, elles constituent des véritables obligations juridiques pour les entreprises qui s’inscrivent dans une démarche RSE.

Pailleurs, la norme ISO 26000 constitue aussi une référence incontournable pour les entreprises qui s’engagent dans une démarche RSE. Cette norme comporte les lignes directrices relatives à l’intégration de la RSE dans le mode de fonctionnement de l’entreprise quel que soit sa taille, son activité ou sa localisation en l’incitant à dépasser la règlementation en associant ses parties prenantes (Daoud E., Ferrari J., 2012). Elle met en exergue les droits fondamentaux de l’homme, les relations entre les employeurs et les salariés, le travail, la santé et la sécurité au travail, l’égalité de traitement et la lutte contre la discrimination,…Etc.

Le non-respect de cette norme peut engager la responsabilité civile ou pénale des entreprises françaises.

2- Les démarches volontaires ayant fait l’objet d’une consécration législative

Soucieuses de prévenir les risques psychociaux, certaines entreprises ont généralisé le télétravail et l’ont intégré dans leur  stratégie RSE. Cette  nouvelle forme de travail permet au salarié de gérer au mieux son stress au travail en assurant un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée.

 Face à  cette  volonté  de prendre en considération le bien être du travailleur, le législateur n’est pas resté indifférent et  a transcrit cette pratique  par la loi du 22 Mars 2012[1] du code de travail qui a défini le télétravail et ses modalités de mise en œuvre.

L’égalité professionnelle  a été mise en place volontairement depuis longtemps par certaines entreprises s’inscrivant dans une démarche RSE.  Ce principe a été consacré par l’arrête du 05 Mai 2010.

Aussi, la communication des entreprises cotées des éléments extra-financiers liés à la gestion sociale et environnementale de leurs activités était initialement une démarche volontaire. Elle a été transcrite par l’article L.225-102-1, alinéa 5 du code de commerce qui est issu de la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 Mai  2001.

Les sociétés cotées « se réfèrent volontairement à un  code de gouvernement d’entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises » ((Daoud E., Ferrari J., 2012, p.16). Or, cette démarche a été jugée insuffisante par le législateur. Il a été imposé à ces entreprises de préciser dans leurs rapports annuels de gestion  les modalités d’applications de leur codes et expliquent les raisons de leur application ou non application.   Ces exemples illustrent bien l’impact de la RSE sur la réglementation française.

Arbre géant au milieu d'un centre d'affaires

3. Les obligations juridiques dissimulées

Dans une démarche RSE, les entreprises prennent certains engagements volontaires éthiques. Ces engagements peuvent se matérialiser par  la diffusion des documents éthiques au sein de l’entreprise. Ces documents  traduisent des chartes et des codes de conduite à  tenir qui ne doivent pas se substituer à la législation nationale, européenne et internationale (Daoud E., Ferrari J., 2012).

Ils ont un caractère normatif[1] s’ils traduisent des interdictions (Exemple : interdiction du harcèlement sexuel),  des normes de comportements ou des déclarations d’intention mettant en valeur l’image de l’entreprise (le respect des droits fondamentaux, non-discrimination, …etc.). Ces documents constituent une source d’obligations juridiques puisqu’ils doivent être soumis à l’inspection de travail.

La communication de l’entreprise sur ses engagements éthiques (notamment ses politiques sociales et environnementales) au public l’exposera à des sanctions si elle ne les respecte pas. En effet, ces engagements s’intègrent dans un champ contractuel et tout manquement engagera la responsabilité civile de l’entreprise via à vis de ses co-contractants (investisseurs, actionnaires, consommateurs, établissements de crédit) selon l’article 1134 alinéa 3 du code civil. 

Au niveau international, les entreprises multinationales doivent respecter les dispositions indiquées dans leurs accords internationaux conclus avec les syndicats nationaux, internationaux[2] ou aussi ceux qui sont signés avec les ONG. « La démarche RSE apparait comme créatrice d’obligations vis-à-vis des intéressés par les accords-cadres internationaux, en particulier les salariés via leurs représentants » ((Daoud E., Ferrari J., 2012, p.19).                                              

En conclusion, la RSE est certes une démarche volontaire qui permet aux entreprises d’améliorer leurs performances économiques, sociales et environnementales.

Mais, elle constitue une source d’obligations juridiques. Certaines obligations sont identifiées et intégrées à la règlementation française. D’autres  obligations sont plutôt dissimulées. Elles sont toutes contraignantes pour les entreprises françaises  s’inscrivant dans une démarche RSE et constituent le droit de la RSE.


[1] La circulaire DGT n°2008/22 du 19 Novembre 2008.
[2] « Codifiée aux articles L.1222-9 à L.1222-11 du code de travail » ((Daoud E., Ferrari J., 2012, p.15)
[3] Comportant la déclaration universelle des droits de l’homme et les deux pactes de 1966.
[4] Visant la reconnaissance des normes de l’OIT