Vous connaissez l’adage « seul on va plus vite, à deux on va plus loin ! » et bien, contre toute attente, il semble que son application pose question en matière de vente.
Dans la fonction commerciale, il peut être tentant d’aller voir les clients à deux. Cela apporte de nombreux avantages.
Cela permet :
- De répartir l’effort d’écoute ou de prise de note,
- De diviser la charge émotionnelle de l’entretien,
- De pouvoir exposer un spectre de compétence plus large de nature à mettre l’entretien hors de risque,
- De compter sur deux points de vue. En effet, ce qui « saute aux yeux » de l’un pouvait passer inaperçu chez l’autre,
- De définir une stratégie commerciale plus sûre,
- Accessoirement, cela permet de ne pas assumer un échec seul,
- Enfin, la visite à deux est aussi un acte managérial important lorsqu’il y a un lien hiérarchique ou de tutorat entre les deux commerciaux. Et accessoirement, cela permet d’économiser un temps de reporting.
La mal-aimée :
Parée d’une telle liste de vertus, la visite « en double » devrait être en bonne place dans la boîte à outils de la plupart des forces de vente. La réalité montre que ce n’est pas le cas :
- Redoutée par les commerciaux qui y voient une perte de pouvoir, un contrôle managérial ou encore la nécessité d’un partage des gains en cas de réussite,
- Boudée par les managers qui ont parfois peur de ne pas trouver leur place voire d’être confrontés à leur incompétence lorsque le parcours professionnel qui les a amenés à leur poste est passé par des fonctions très éloignées du quotidien commercial de l’équipe qu’ils ont désormais à gérer.
Tous s’accordent à la considérer comme une perte de temps, il est vrai que certaines organisations ont parfois le talent pour occuper leurs cadres dans des réunions et activités qui les éloignent de l’opérationnel.
Enfin, elle est rarement mentionnée dans les ouvrages et presque jamais enseignée en business school.
La messe est donc dite ? L’activité commerciale à plusieurs n’aurait donc aucun avenir ?
Voir le client à 2 : Une stratégie efficace mais coûteuse
Vendre à plusieurs est une démarche qui nécessite des ressources. Il est vrai qu’une entreprise qui adopterait systématiquement ce principe doublerait le coût de la démarche commerciale et pénaliserait son développement.
Par ailleurs, se pose la question de la relation dans l’équipe : Un membre du tandem commercial doit impérativement prendre le leadership et devenir le garant de la satisfaction du client.
Enfin, le fait d’être à deux sur une affaire déresponsabilise et peut être contreproductif. Personne ne se sent plus en charge de la réussite commerciale et les décisions parfois nécessaires tardent à être prises.
De la visite accompagnée à l’action commerciale collective
Avant toute chose, il conviendrait de recenser ce qui peut être observé sur le terrain :
- La visite avec son manager
L’idée est de bénéficier de l’appui du manager. Cela peut avoir du sens, mais n’est pas toujours pertinent notamment quand elle est à l’initiative d’un manager nostalgique du temps où il était lui aussi commercial.
L’autre risque est que le manager ne considère cette visite que sous l’angle du contrôle des pratiques de sa recrue.
- La visite avec un tuteur/coach
Il s’agit d’être accompagné par un pair plus senior dans un but de développement de compétences. L’objectif est de se focaliser sur les pratiques. Parfois, le manager fait office de coach ce qui n’est pas sans poser de questions de positionnement personnel et parfois de légitimité.
- Le rendez-vous en compagnie de l’expert technique
Le commercial s’adjoint un collaborateur qui détient des compétences spécifiques afin de réaliser certaines tâches mais aussi pour rassurer le client et renforcer sa légitimité.
- La démarche commerciale séquentielle
Une autre façon de partager le temps de travail peut être envisagée. Celle-ci consiste à utiliser les meilleures compétences commerciales de l’entreprise à chacun des moments clés de la démarche commerciale
Ainsi, la personne qui est à l’initiative du rendez-vous avec le client peut être différente de celle qui va le mener et/ou de celle qui va rédiger la proposition ou mettre en œuvre la solution une fois le contrat signé.
L’intérêt de cette spécialisation est de mettre les meilleures compétences au bon endroit, d’adapter les ressources en fonction de l’entonnoir de vente, d’avoir les ressources mobilisées aux moments les plus pertinents du client, de donner du confort à chacun dans la mesure où le spectre de tâches à accomplir est resserré.
Ce qui correspond à une taylorisation de l’activité commerciale d’une entreprise est un modèle quantitativement très efficace.
On retrouve ce type d’organisation plus fréquemment dans le monde anglo-saxon ou dans les secteurs, comme l’informatique, qui ont une affinité très forte avec cette culture.
L’approche « en meute » : Futur ou passé de la démarche commerciale ?
Apparemment plus anarchique, elle consiste à agglomérer plusieurs compétences dès le début du projet commercial. Il est évident que ce type d’approche se justifie que dans les ventes complexes couvrant différents champs d’expertises ou nécessitant l’engagement de personnes issues de « services » différents.
La responsabilité de l’affaire est confiée à un commercial qui est garant de la satisfaction de son client et anime son équipe de façon matricielle tout au long du déroulement du projet. C’est la grande différence avec la démarche séquentielle. Les avantages de ce type d’organisation sont :
- Maintien d’un fil directeur de l’affaire : Peu de perte d’information
- Une communication plus simple pour le client : Même si l’équipe commerciale est composée de plusieurs personnes, il y a toujours un recours identifié pour le client.
- Personnalise la relation aux yeux du client : La promesse de l’un ne sera pas la réalisation de l’autre.
- Permet de maintenir et développer la confiance nécessaire lors des ventes de projet.
- Laisse une vision globale de l’affaire à l’ensemble de l’équipe commerciale : c’est particulièrement appréciable lorsque celle-ci est de bon niveau (de formation, d’autonomie…).
À plusieurs, on ne va pas plus loin, on fait juste de plus grosses affaires
En fait, il est difficile de choisir entre les 2 organisations séquentielle ou groupée. Chacune d’entre elles a ses avantages. De plus, en entrant dans une entreprise, on embrasse souvent une organisation qu’il sera difficile de faire évoluer.
Celui qui a la chance de jeter les pierres d’une nouvelle organisation commerciale devra juste avoir en tête que seul le client a toujours raison à la fin.
L’approche séquentielle sera particulièrement adaptée aux clients qui ont une organisation identique, « en miroir ».
…Tandis que l’approche « en meute » est particulièrement efficace dans les cultures « high context » où le caractère implicite de la communication est plus efficace avec des interlocuteurs stables et limités en nombre.
Par contre, une chose semble sûre :
Les commerciaux qui agissent de façon isolée n’ont pas les ressources (temps, technique…) et la hauteur de vue pour capter des affaires au-delà d’une certaine importance.
Au contraire, les organisations commerciales qui favorisent les coopérations entre leurs acteurs se donnent les moyens de vendre des solutions plus complexes à des clients plus gros.
Ce sera l’objet d’une prochaine étude.