Stratégie de négociation

Comment optimiser sa stratégie de négociation en tirant parti du coût et de la valeur perçue d’une concession ?

Lorsque le vendeur prépare sa négociation, l’accent est mis sur la matrice des objectifs (plafond, réaliste, plancher) et sur les contreparties à demander en réponse aux demandes de concessions probables du client.
En négociation commerciale, pour optimiser sa stratégie de négociation, il est essentiel d’intégrer aussi les notions de coût et de valeur perçue d’une concession dès la préparation.  

Commençons par un exemple : Suite à une panne, votre ligne de fabrication est à l’arrêt. Il est vendredi 17h, vous appelez le prestataire externe chargé du SAV. Le technicien vous répond au téléphone : “Je comprends l’urgence de votre situation, on termine notre chantier en cours et je suis chez vous dans une heure avec mon équipe et le matériel nécessaire”.

En tant que client, la valeur que vous accordez à cette intervention rapide peut être perçue comme forte : “Super, ils sont vraiment arrangeants” ou faible : “C’est normal, ils font juste leur travail”.

En tant que vendeur, le coût peut être faible : “Nous sommes en intervention chez un client juste à côté et on a toutes les pièces dans le camion” ou forte“ Je dois repasser à l’entrepôt situé à 30 kms pour prendre le camion, charger les pièces et demander à l’équipe de décaler son départ en week-end”. Chaque partie a sa propre perception du coût et de la valeur d’une concession. Y compris d’ailleurs au sein même de sa propre organisation.

La matrice coût / valeur perçue (Cf. Figure 1) permet au vendeur :

  • sur un axe horizontal de hiérarchiser les demandes probables de concessions du client en les positionnant en fonction du coût qu’elles représentent pour le vendeur. Ce coût est économique bien sûr mais peut être aussi organisationnel, humain et matériel. C’est pour cette raison qu’il est important d’interroger en interne, notamment le contrôle de gestion. 
  • sur un axe vertical de positionner la valeur perçue de ses concessions pour le client c’est-à-dire l’importance que le client accorde à l’obtention de chaque concession. 
    Pour pouvoir le faire, il est essentiel dans le cadre d’un premier entretien – en général de découverte – de connaitre et comprendre les attentes du client, ses motivations et ses freins. Mais il faut aussi réussir à identifier l’ensemble des points probables que le client souhaitera négocier, leur hiérarchisation en termes d’importance pour lui et sa position, c’est-à-dire l’objectif qu’il souhaite atteindre ou le résultat qu’il souhaite obtenir sur chacun d’eux.
    Cela peut s’avérer difficile, notamment en vente complexe, car les enjeux métiers spécifiques des différents acteurs du groupe de décision sont parfois différents voire contradictoires.

En regroupant les 2 axes, vous repérez les concessions à privilégier car elles représentent un coût faible pour vous en tant que vendeur (quadrants vert et bleu) et à l’inverse celles à limiter (quadrants rouge et orange). 

La matrice coût / valeur permet en préparation de définir sa stratégie de concessions et de gagner en agilité tactique au cours de l’entretien.

Voyons maintenant comment le vendeur peut-il réagir à chaque demande de concessions en fonction du quadrant dans lequel elle se trouve.
Dans une relation commerciale, c’est souvent le client qui prend l’initiative d’une première demande de concession. Il débute en général par des concessions à forte valeur pour lui.

1. Les concessions situées dans le quadrant vert :

Ce sont les concessions « idéales » pour le vendeur. Lorsqu’il accepte une concession située dans le quadrant vert (coût faible pour le vendeur, valeur perçue forte pour le client), la  progression vers l’accord est rapide. Le vendeur donne au client l’envie d’avancer. Cela lui permet aussi de demander en retour une contrepartie à forte valeur pour lui et augmente ses chances de l’obtenir par réciprocité

2. Les concessions situées dans le quadrant bleu :

En acceptant une concession située dans le quadrant bleu (coût faible pour le vendeur, valeur perçue faible pour le client), le vendeur montre à son client qu’il est ouvert à la négociation. Il reste dans une zone confortable car le coût est faible pour lui. 
Ces concessions font progresser positivement la négociation à petits pas.
Et surtout, le vendeur garde en réserve des concessions à plus forte valeur pour le client donc des marges de manœuvre supplémentaires s’il constate que celles-ci ne sont pas suffisantes.
Et surtout, le vendeur garde en réserve des concessions à plus forte valeur pour le client donc des marges de manœuvre supplémentaires s’il constate que celles-ci ne sont pas suffisantes.

Avec les concessions du quadrant bleu, le vendeur peut chercher à augmenter la valeur perçue de sa concession (Cf. Figure 2) : ”Vous me demandez de reprendre votre ancien matériel. Si j’accepte, vous réduisez immédiatement vos factures récurrentes de maintenance sur le parc actuel et surtout, je vous évite la gestion du recyclage : démontage et tri des pièces, séparation des composants, gestion et traitement des déchets”.

Le fait d’éliminer une contrainte ou de mettre en avant un bénéfice que le client avait peut-être sous-estimé, fait “grimper” la valeur perçue de votre concession.
Augmenter la valeur perçue d’une concession augmente aussi les chances du vendeur de voir sa demande de contrepartie acceptée. Cela lui permet d’exiger une contrepartie plus forte et freine l’appétit de demande de concessions du client.

3. Les concessions situées dans le quadrant orange :

Lorsque le client exprime une demande de concession coûteuse, le vendeur doit chercher à réduire son coût, à diminuer son impact économique (Cf. Figure 3).

Pour cela, le vendeur a trois possibilités : 

  • soit accepter partiellement la demande de concession : le client demande une remise de 10%, le vendeur n’accepte que 5% maximum,
  • soit la refuser et la remplacer par une concession moins coûteuse. Il utilisera dans ce cas des expressions du type : « J’aimerais vous proposer quelque chose de différent … »,
  • soit faire légèrement évoluer son offre produit / service sans transgresser le cahier des charges fonctionnel du client. 
    Dans ce cas, le vendeur doit bien penser à maintenir la valeur perçue en donnant des informations ou en utilisant des arguments : “Vous me dîtes que vous souhaitez avoir une machine neuve mais que celle-ci ne rentre pas dans l’enveloppe budgétaire prévue. Est-ce que c’est vraiment un point bloquant pour vous que la machine n’ait jamais été utilisée ? Je vous demande ça parce qu’avec le modèle de démonstration, vous bénéficiez de toute façon d’une machine révisée, garantie 2 ans, disponible et qui correspond à votre budget”

Réponse de l’acheteur : “Ok mais dans ce cas, il faut me la livrer la semaine prochaine”.

4. Les concessions situées dans le quadrant rouge :

Avec les concessions situées dans le quadrant rouge, l’objectif du vendeur est de faire prendre conscience au client de l’importance de l’effort qu’il est en train de demander et de l’inciter à y renoncer. L’objectif est de dissuader le client pour qu’il abandonne sa demande initiale ou qu’il la reconsidère pour qu’elle devienne acceptable pour le vendeur (Cf. Figure 4). 

Pour cela, le vendeur peut :

  • d’abord souligner les contraintes liées à l’effort demandé, faire prendre conscience au client de l’importance de l’effort qu’il est en train de solliciter : “Vous n’en n’avez peut-être pas conscience mais ce que vous me demandez est très compliqué à mettre en place”,
  • demander une contrepartie qu’il sait hors de la zone d’acceptation du client ou très difficilement acceptable,
  • exprimer un refus puis la déplacer vers une concession moins coûteuse : “Sur ce point précis, je ne peux rien faire. Je vais faire un effort mais en revanche, celui-ci portera sur …” (Cf. Quadrant orange),
  •  revenir sur une concession déjà faite mais pour laquelle il dispose encore d’une marge de manœuvre.

En conclusion, négocier, c’est aussi savoir concéder. L’important dans une concession, c’est la valeur subjective qu’elle représente aux yeux de celui qui en bénéficie, comparée au coût supporté par celui qui la consent. En augmentant la valeur perçue d’une concession, en diminuant son coût, en incitant son interlocuteur à en changer voire à l’abandonner, le vendeur garde une meilleure maîtrise du jeu.